Les adieux d’Hector à Andromaque

Les adieux d’Hector à Andromaque 500 500 Sybille Sciamma

« A ces mots vers son enfant se pencha l’illustre Hector ; mais l’enfant, contre le sein de sa nourrice à la belle ceinture, se rejeta en criant, épouvanté à la vue de son père, effrayé par le bronze et le panache en crin de cheval que, terrible, au sommet du casque, il voyait s’agiter. Son père rit, ainsi que sa mère vénérable. Aussitôt l’illustre Hector ôta le casque de sa tête, et le posa à terre, resplendissant. Il embrassa son fils, le berça dans ses bras (…) »

Homère, L’Iliade
traduction d’Eugène Lasserre

Photo Wikimedia

Les adieux d’Hector à Andromaque
un texte poignant
et au milieu ce petit passage
qui m’est entré dans le cœur il y a bien longtemps
dans le calme d’une classe de grec
où nous peinions à déchiffrer
mot par mot, vers par vers
des bribes d’Homère

Tout d’un coup à force
de gratter le texte
dans le clair-obscur de la classe
apparaît cette scène
me voilà devenue le bébé Astyanax
le casque brille et le panache
vraiment se balance au-dessus de moi
et je me jette en arrière

Comme j’aime ce moment
d’intimité entre les parents
lorsqu’au milieu de leurs adieux
ils rient ensemble
complices et pleins de tendresse
pour leur enfant

Et le grand et héroïque Hector
qui me faisait un peu rêver j’avoue
– figure du mari idéal !
qui retire son casque
– je l’imaginais s’agenouillant presque pour le poser par terre –
et ainsi dépouillé
qui prend son enfant dans ses bras
tout simplement

Aujourd’hui encore
mon cœur fond pour Hector
et comme Andromaque
je pleure car je sais qu’il va mourir
La vie est trop triste et trop bête
les casques à crinière de cheval devraient rester par terre
et les bras des hommes servir à vous prendre par la taille
et faire des enfants
et construire des maisons
et faire rire les bébés…

Tout cela est vraiment décourageant
car rien n’a changé
il y a toujours quelque part
un tyran pour envahir un pays,
des hommes qui s’en vont faire la guerre
parce qu’ils n’ont pas le choix
et des Andromaques
qui pleurent
sur les quais des gares
avec leur bébé dans les bras