« Les dieux avaient condamné Sisyphe à rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait sous son propre poids. Ils avaient pensé avec quelque raison qu’il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir. (…)
Alix Marquet, Le Rocher de Sisyphe (1933)
« Si la descente ainsi se fait certains jours dans la douleur, elle peut se faire aussi dans la joie. Ce mot n’est pas de trop (…)
Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. (…)
A cet instant subtil où l’homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d’actions sans lien qui devient son destin, créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. (…)
La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux »
Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe
Quel retournement de situation !
« Il faut imaginer Sisyphe heureux »
Sisyphe, le damné ?
Celui qui souffre à pousser son rocher
encore et encore
sans aucun espoir de rédemption ?
A chaque fois que je lis cette phrase,
je suis saisie d’un étonnement profond
et pourtant au fond de mon cœur
une sorte d’espoir et de confiance se lève
« Il faut imaginer Sisyphe heureux
Son destin lui appartient
Son rocher est sa chose »
C’est fou !
et pourtant, je comprends :
au fond de moi, je sais
Cette chaîne que j’ai autour du cou
si c’est ma chaîne
si je la fais mienne
alors elle ne m’enchaîne plus
Il n’y a plus de séparation
plus d’opposition
plus de frottement
entre moi
et mon destin
Quand je rassemble mes forces
pour pousser mon rocher
quand de tout mon être
j’accepte cet effort,
la fatigue et la douleur qui vont avec,
la souffrance disparaît
remplacée par la fierté et la joie
– folle et sauvage –
de s’appartenir