« Nous partions sans rien. Réellement sans rien. (…)
je me sentais libre, libre comme l’air, libre comme l’oiseau (…). »
Anne Ancelin Schützenberger, Le plaisir de vivre
On pense qu’on possède les choses
mais peut-être que ce sont elles qui vous possèdent ?
Quand j’étais jeune j’avais une avidité de posséder
c’était rassurant toutes ces choses
elles étaient neuves et fraîches comme moi
Avec le temps je vois que les choses aussi vieillissent
ça rouille, ça jaunit, ça s’abime
et parfois j’ai l’impression
que c’est ma vie qui s’en va à prendre soin de tout ça
Ma grand-mère, elle, n’en avait plus rien à faire
elle me donnait des choses souvent
des livres, des petites cuillères
Elle donnait avec légèreté
mais aussi avec détermination
elle voulait s’en débarrasser
Je commence à comprendre
« libre comme l’oiseau »
ça me fait rêver…
Légèreté, pas besoin de maison
un nid le temps d’une nichée
et puis hop s’envoler
« La veille du débarquement en Normandie et du début de la Libération, nous nous trouvions en Lozère. À ce moment-là, les Allemands sont venus brûler la maison. S’y trouvait un dépôt d’armes et de munitions. Cela m’a paru normal et « de bonne guerre ».
Nous sommes parties sous le feu des blindés allemands. Nous nous sommes cachées dans la montagne.
Nous partions sans rien. Réellement sans rien. Ni bagages, ni papiers, ni sac, ni carnet d’adresses, ni argent…
Je trouve cela très sain, de n’avoir rien.Rien de rien
De fait, d’être libre de toute attache, de tout lien, de tout objet matériel et des contraintes qu’ils produisent, je me sentais libre, libre comme l’air, libre comme l’oiseau (mais un oiseau pourchassé), avec un sentiment de liberté jubilatoire, enfin délivrée de tout, dans une sorte de « lâcher prise ». »
Anne Ancelin Schützenberger, Le plaisir de vivre
Photo Olivier Donnat pour Perenity Solutions