« Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! »
Charles Baudelaire, Chant d’Automne, Les Fleurs du Mal
Mon vers préféré de la poésie française
qui semble concentrer en quelques mots
tout le doux-amer de la vie qui passe
“Adieu” un mot du fond des âges
plein de dignité
pour dire au revoir sans se revoir
Le mot du pèlerin qui, son balluchon sur l’épaule,
drapé dans sa cape et le chapeau sur les yeux
s’en va dans l’autre direction : Adiós!
Vive clarté pour l’air doux et léger
Un ciel bleu au-dessus de la crique
Les pins parasols, les cigales qui chantent
Les aiguilles de pin qui craquent et piquent sous les pieds
Vive clarté pour le coup de foudre
d’un bonheur passager
Pour un instant bref et magique
où je ne fais qu’un avec la lumière du soleil
Mais il y a un ressac de la voix
qui cède sur la deuxième syllabe
Comme le ressac de la mer
le long de la plage éclatante
un jour d’été
où je joue accroupie
indifférente au monde
parfaitement là
les mains dans le sable
Et déjà ce sont mes enfants
qui prennent ma place
eux aussi au milieu des sauts et des pelles
sérieux et concentrés
ils jouent sur la plage
sous le soleil qui brûle
Adieu à nos étés trop courts
ils se comptent à peine sur les doigts des deux mains
leur goût délicieux me reste dans la gorge
le goût des fêtes qui se terminent
Il faut tourner la page
Henri Manguin, La Pinède à Cavalière