« Avoir parfois de longues et intéressantes conversations avec des chauffeurs de taxi où l’on se dit, en passant, des choses que l’on ne dit pas souvent »
Françoise Héritier, Au gré des jours
Photo LP/Frédéric Dugit
Moi aussi j’aime les conversations
avec les chauffeurs de taxi
J’adore cette sensation
de glisser à travers Paris
confortablement assise à l’arrière d’une voiture
dans une douce intimité
avec quelqu’un qu’on ne connait pas
Ce sont des conversations sans visage,
car on n’aperçoit qu’un profil
une épaule
et un regard qui de temps en temps croise le vôtre
dans le rétroviseur
– sans s’attarder, car il faut regarder la route !
Ce sont des conversations sans but précis
où on parle du temps qu’il fait, de la circulation
et parfois de la vie en général
dans une drôle de relation
anonyme et confiante
– puisqu’on abandonne sa conduite
à cette personne
Et quand on se quitte
dans le bruit de la portière qui claque
après un sourire
un dernier regard et un « bonne journée »
il y a eu parfois comme un début d’amitié
et une connivence
« Ha ! Vous aussi… »
Françoise Héritier, anthropologue, professeure à l’EHESS et au Collège de France, Photo DRFP / Odile Jacob
« Au printemps 2012 j’ai publié une fantaisie intitulée « Le sel de la vie » en m’expliquant sur l’origine de cette plongée en moi-même à la recherche de ces imperceptibles riens qui donnent du goût, son goût, à notre existence individuelle et qui, dans une grande vague commune, sont vraisemblablement ressentis par une bonne partie de l’humanité (…).
Il s’agissait en quelque sorte de faire affleurer le permanent sous le contingent et l’universel sous l’individuel. »
Françoise Héritier, Au gré des jours